jeudi 5 juin 2025

LE CHANT GREGORIEN

 


Le chant grégorien est le répertoire de chant liturgique propre à l'Eglise catholique de rite latin. Ce chant primitif s'est lentement élaboré entre le Vème et le VIlème siècles et s'est développé jusqu'aux XIIème‑XIIIème siècles.

Origine et chant romain

II existe des rapports entre le grégorien primitif et les répertoires orientaux : juif, copte, arménien, byzantin, syrien. L'Église, dès ses premiers siècles, a assimilé les héritages des Hébreux et des Grecs. La langue grecque était, aux premiers temps du christianisme, le mode d'expression officiel de l'Eglise. A partir du Illème siècle, la langue latine s'étend dans l'ensemble du bassin méditerranéen, puis en Europe. A la fin du IVème siècle, l'Eglise de Rome adopte le latin comme langue liturgique. La musique s'adapte aux mots et aux phrases latins. C'est donc à cette époque que commence à s'élaborer le répertoire de chant liturgique latin qui donnera naissance au chant grégorien.

Les sources de ce répertoire musical sont multiples. A l'origine du chant grégorien se trouvent les récitatifs simples, ornés seulement de légères inflexions de la voix soulignant la ponctuation du texte (chant de l'Epître, de l'Evangile, du Pater..).

Le chant des psaumes était déjà pratiqué par les Hébreux, puis par les premiers chrétiens selon des principes qui sont resté les mêmes aujourd'hui. 73 des 150 psaumes sont attribués au roi David, fondateur de Jérusalem (1015 ‑ 970 av. J.C.). L'Orient est à l'origine de l'hymne et de l'antiphonie (psalmodies alternées entre deux chœurs ou solistes).

Les techniques mélodiques se perfectionnent. Le chant devient "orné" avec apparition de vocalises (Introït, Graduel, Alléluia). En revanche, les chants du peuple gardent leur simplicité primitive: au IVème siècle, apparaissent les premiers Introït et Alléluia, au Vème les premiers Offertoires et chants de Communion.

L'âge d'or

Le fond du chant grégorien se constitue entre le VIème et le VIllème siècles. A la fin de celui‑ci, le chant romain prend le nom de chant grégorien ; le répertoire musical est déjà très riche, varié et complet. L'essentiel du répertoire est composé à l'époque carolingienne (IXème siècle).

Huit papes ont contribué à l'organisation de la liturgie, dont Saint Grégoire le Grand (540 - ­604) qui a donné son nom au chant liturgique. Contemplatif et disciple de St‑Benoît, il codifie et officialise les textes liturgiques et la mélodie. Sous Pépin le Bref, puis sous Charlemagne, la liturgie romaine est adoptée dans l'Empire franc. Elle devient un élément unificateur entre les peuples. Le chant grégorien se propage dans presque toutes les églises d'Occident (Gaule, Angleterre, Allemagne). Les mélodies se transmettent oralement. II fallait dix ans d'études pour devenir chantre, c'est‑à‑dire pour apprendre par cœur textes et mélodies. L'apparition des premiers signes musicaux date de la fin du IXème siècle.

L'écriture musicale est née au XIème siècle, grâce à un moine bénédictin Guy d'Arezzo. Les notes désignées jusqu'alors par les lettres de l'alphabet, prennent les dénominations actuelles : ut, ré, mi, fa, sol, etc..., empruntés à l'hymne des Vêpres de Saint Jean Baptiste. Ainsi, le "A" devient LA, le "B", SI, le "C", DO...


Chaque son est annoté sur des portées de quatre lignes. Cette notation musicale sur lignes ne donne pas toutes les indications de nuances rythmiques et expressives présentes dans les anciens manuscrits. Pourtant, elle prouve son utilité et se propage.


Le répertoire continue à s'enrichir de textes et de mélodies jusqu'à la fin du Moyen‑Age.


La décadence


Du XIVème au XIXème siècles, des modifications importantes sont apportées à la mélodie De monodique, à une seule voix, le chant grégorien évolue et devient polyphonique à la Renaissance. Certaines pièces sont chantées à quatorze voix. Le rythme change, les mélodies sont modifiées, les notes prennent des durées variables. De modale la musique devient tonale. C'est la période du "plain‑chant". Supplanté par une musique moderne, le grégorien décline peu à peu.


Retour aux sources, au chant grégorien traditionnel .


Grâce à Dom Prosper Guéranger (1803‑1875), la vie monastique, la liturgie romaine et le chant grégorien traditionnel sont restaurés en France. Les bénédictins de Solesmes, - Dom Jausions, Dom Pothier, puis Dom Mocquereau ‑ et quelques moines sillonnent toute l'Europe à la recherche de manuscrits anciens. Ils restituent la mélodie originale en étudiant et en comparant les textes, comme les signes musicaux. Cette restauration a l'appui et le soutien du pape Pie X qui, en novembre 1903, publie le célèbre motu proprio sur la musique sacrée. II ordonne la restitution du chant grégorien dans toute l'Eglise : " L'antique chant grégorien devra être largement rétabli dans les fonctions du culte". Les successeurs de Pie X poursuivent cette décision : Pie XI avec la constitution apostolique "Divini cultus" du 20 décembre 1928 ; Pie XII par l'encyclique "Musicae sacrae disciplina" du 25 décembre 1955 et Paul VI, lors du lIème concile du Vatican, "De sacra liturgica".


La pratique du chant grégorien en France


Le chant grégorien restauré sous l'impulsion de l'Abbaye de Solesmes se répand en France dès 1922, soit peu de temps après le retour des moines, exilés à l'île de Wight, en Angleterre, depuis le début du siècle.


En 1923 est créé à Paris un Institut grégorien rattaché à l'Institut Catholique. Dans la foulée un certains nombre d'autres Instituts ou écoles. se développent, parmi lesquelles la Schola St Grégoire du Mans, fondée en 1938. Leur mission est d'enseigner le chant grégorien aux écoles catholiques, séminaires, chorales et maîtrises paroissiales. Ce mouvement connaît son apogée vers les années 1960. L'enseignement de la méthode "Ward", contribue dans les années 1950 à la formation musicale des enfants puis des adultes.


A la suite de la réforme liturgique qui suivit le concile Vatican II et qui autorise l'emploi de langues vivantes dans la liturgie, le répertoire grégorien est presque totalement abandonné des paroisses et des congrégations religieuses, à l'exception de quelques monastères et communautés religieuses.


Le renouveau contemporain


La plupart des Instituts grégoriens cessent leur activité ou s'intéressent à d'autres formes d'expression musicale religieuse. L'enseignement du chant grégorien ne disparaît pas complètement. La Schola Saint Grégoire profondément convaincue de la valeur irremplaçable de ce patrimoine sacré, poursuit néanmoins sa vocation. Aussi, depuis quelques années, clercs et laïcs redécouvrent avec joie, l'élan spirituel qui jaillit du chant grégorien, prière de l'Eglise catholique.


Le chant grégorien est le chant liturgique de l'Église catholique romaine. II doit son nom au pape Grégoire‑le‑Grand (590 ‑ 604) qui, pour remédier à la diversité des usages musicaux religieux à travers la chrétienté, réglementa le chant d'église.


Le terme plain chant, du latin "cantus planus", signifie musique plane par opposition à musique mesurée "cantus mensuratus". II n'apparaît qu'au Xllème siècle et n'est pas synonyme de chant grégorien.


Les mélodies du chant grégorien ont été composées à des époques et dans des contrées différentes. Psaumes et cantiques sont issus du culte hébraïque. Le fond de la liturgie chrétienne s'est constitué en Palestine et en Syrie (Jérusalem et Antioche) le berceau du premier christianisme. Mentionnons que c'est par l'intermédiaire des Byzantins que nous avons hérité du système des huit modes.


Le chant grégorien est une musique exclusivement vocale. Elle donne toute l'importance à la voix et donc au souffle, manifestation de la vie. La musique grégorienne est monodique, c'est un chant à une seule voix qui exclut toute polyphonie. Elle n'admet dans sa ligne mélodique aucun son concomitant.


C'est dans les cantillations que le caractère liturgique du chant grégorien apparaît à l'état le plus pur : récitations modulées, à mi-chemin entre la parole et le chant. En fait, c'est la manière traditionnelle de lire les textes sacrés, non seulement dans l'Occident latin, mais aussi dans la liturgie de la chrétienté orientale et dans bien d'autres religions : le débit se fait recto-tono (une seule et même note qui est la corde de récitation) avec quelques ornements et inflexions pour rompre la monotonie. II se crée une sorte d'harmonie entre la phrase chantée et le souffle du chanteur. La psalmodie, le chant des Psaumes et des Cantiques de l'Église, apporte calme et paix. Cette forme musicale est la base de tout le chant grégorien.


Styles


Le répertoire grégorien n'est pas uniforme : on y distingue trois grands styles de composition. En partant du plus simple, citons


* le style syllabique où chaque syllabe comporte une seule note,


* le style orné (ou neumatique) où la plupart des syllabes comportent un ornement bref composé de trois ou quatre notes,                                                                                                                                .,


* le style mélismatique où certaines syllabes, s'allongent considérablement en raison de mélismes (ou iubili) - longues vocalises développées - qui peuvent comporter jusqu'à cinquante notes. Chanter sans parole se dit "jubilare" en latin. Selon Saint‑Augustin, "Celui qui jubile ne prononce pas de paroles, mais il exprime sa joie par des sons inarticulés. Pourquoi ? Parce que sa joie est si grande que les paroles ne sauraient la rendre". Le jubilus est souvent un prolongement de la dernière syllabe de l'alléluia. II est présent dans les Graduels et dans les versets d'Offertoire.


L'ornementation a pour but de souligner une ponctuation, de mettre en relief un mot ou d'extérioriser le contenu émotionnel soit d'un mot évocateur, soit d'un membre de phrase.


L'importance du rythme


Contrairement à ce que l'on pourrait croire, le rythme n'est pas une question d'intensité, d'alternance de sons forts et de sons faibles qui serait produite par le retour régulier de temps forts appelés "accents". Par définition, le rythme est une question de mouvement, d'élan et de retombée.


Le chant grégorien possède deux facteurs de rythme : la mélodie et le texte.


* La mélodie grégorienne


Le rythme de la mélodie grégorienne est un "rythme libre" par opposition au "rythme mesuré" des musiques classiques et modernes. Le rythme du chant grégorien est non mesuré. C'est un mélange de mesures à deux temps (rythme binaire) ou trois temps (rythme ternaire) qui s'enchevêtrent, avec des intervalles égaux ou inégaux. La succession libre de ces temps constitue un des plus grands charmes de la mélodie grégorienne.


Dans la notation musicale grégorienne, toutes les notes valent un temps simple ou premier. Il est impossible donc de fragmenter comme dans la musique moderne le temps premier (la croche) en ses sous‑multiples (doubles croches, triples croches).


Dans le chant grégorien, le flux mélodique et rythmique est régulier, sans heurt, d'où l'écoulement tranquille et harmonieux du mouvement sonore. (Voir l'extrait de la lettre de J. Ward). Selon Dom Mocquereau, "Pour bien rendre la mélodie grégorienne, l'art est nécessaire mais insuffisant, il faut préparer l'âme ; c'est elle qui doit vibrer dans le chant. "


* Le rythme du texte latin


Une partie de la mélodie grégorienne trouve son origine dans le mot latin. Le latin qui n'est plus parlé a pris valeur de langue sacrée, comme le sanskrit pour les Hindous. Son usage est réservé à la prière.


L'élément de base est l' accent du mot latin qui ne se trouve jamais sur la finale elle même, mais sur l'une des deux syllabes précédentes. Le mot latin est un "rythme" qui va de la première syllabe (élan) à la finale (retombée), toujours douce. L'accent du mot latin qui est l'âme du mot, n'est pas appuyé, Il est même léger, souple. II n'a pas pour but d'allonger la syllabe qui le porte, mais de la mettre en relief. C'est cet accent qui confère aux mots une véritable musique interne et apporte une incomparable souplesse à la phrase latine.


Interprétation par Solesmes ,  de J. Ward


Dans une de ses lettres, J. Ward en fait une analyse approfondie:


"Le chant de l'abbaye donne une impression de calme et de naturel extraodinaires. Nul recherche de l'effet, mais non plus nul effort pour l'éviter lorsqu'il est contenu dans la musique elle‑même. On entend absolument rien de cette musique hachée que l'on rencontre parfois chez certains élèves de Solesmes aux Etats‑Unis. Au contraire, ce qui ressort au-dessus de tout, c'est la phrase dans la plénitude de son développement, ce que Dom Mocquereau appelle "le grand rythme" et tout l'enseignement personnel de Dom Mocquereau tend justement à ce que la phrase soit bien l'élément suprême et que les mots et les membres de phrase se fondent dans le grand tout de la phrase musicale parfaite (...)


"La schola et la communauté chantent avec un "legato" admirable, sans donner un volume de voix très considérable, mais avec une sonorité très ferme et très bonne, quelque chose comme un orchestre de violoncelles.


"Ce qui frappe par dessus tout, c'est cette ondulation vraiment vivante, où l'on ne sent rien de mécanique, mais qui monte et s'élève au sommet de la phrase comme le gonflement d'une vague parmi toutes les autres."




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